Les enjeux de santé mentale au travail représentent un défi majeur pour la productivité des entreprises. Ils entraînent une augmentation de l’absentéisme, du présentéisme, du roulement de personnel, des coûts d’assurance et des départs à la retraite anticipés. Au Canada, ces problèmes engendrent des pertes de productivité estimées à environ 6,3 milliards de dollars par an.
Selon une enquête de 2020-2021, 23 % des personnes salariées au Québec ressentent une forte détresse psychologique liée à leur travail.
Comprendre les risques avant d’agir
Pour intervenir efficacement, une organisation doit impérativement bien comprendre les risques psychosociaux (RPS) liés au travail. Ces derniers sont des facteurs liés à l’organisation du travail, aux conditions d’emploi et aux relations sociales susceptibles de nuire à la santé physique et mentale.
Les troubles anxieux, la dépression et l’épuisement professionnel sont
de plus en plus fréquents au travail. En 2021, 8,7 % des travailleuses
et travailleurs au Canada ont été en invalidité liée à des problèmes de santé mentale, contre 6,4 % en 2019.
Les principaux RPS auxquels sont exposés les travailleurs et travailleuses du Québec sont :
- une charge de travail élevée
- un manque d’autonomie
- un soutien insuffisant des collègues ou de la direction
- une faible reconnaissance
Ces risques peuvent générer du stress chronique et nuire considérablement à la santé mentale (par exemple : détresse psychologique, troubles dépressifs ou épuisement professionnel) et à la santé physique (par exemple : insomnie ou troubles musculosquelettiques). Bien que le syndrome d’épuisement professionnel ne soit pas un trouble de santé mentale officiellement reconnu, il découle lui aussi d’un stress chronique au travail.
L’importance de la prévention primaire
Pour réduire de façon durable le développement de difficultés de santé mentale dans les milieux de travail et ainsi éviter les souffrances qui en découlent pour les personnes et leurs proches, il faut s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire à l’organisation du travail et aux conditions d’emploi qui engendrent les RPS. Quoi qu’il existe plusieurs niveaux de prévention, c’est en intervenant ainsi au niveau primaire, et donc « à la source » du problème, qu’une entreprise pourra réellement améliorer la santé de ses employées et employés à moyen et long terme et observer des bénéfices organisationnels (par exemple : baisse du présentéisme et de l’absentéisme). Une telle démarche nécessite d’agir sur des aspects organisationnels du travail, ce qui requiert l’implication de plusieurs actrices et acteurs et des différents niveaux de gestion dans l’entreprise ainsi que l’engagement concret de la haute direction.
Une obligation légale pour toutes les organisations
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail en 2021, les organisations ont l’obligation d’identifier les risques psychosociaux et de les éliminer (ou, à tout le moins, de les atténuer), comme elles le font pour d’autres risques professionnels (chimiques ou physiques, par exemple). Cette législation vise à mieux protéger la santé mentale du personnel et à créer des environnements de travail plus sécuritaires.
En conclusion, il est essentiel de réfléchir à l’organisation du travail pour arriver à prévenir les risques psychosociaux dans l’entreprise et mieux protéger la santé. Investir dans la prévention est non seulement une obligation légale, mais aussi un choix stratégique pour améliorer la santé des employées et employés et la performance de l’entreprise.
Laurie Kirouac
Professeure agrégée, Département des relations industrielles, Université Laval
Auteure de l’ouvrage L’individu face au travail-sans-fin. Sociologie de l’épuisement professionnel
et co-auteure de Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
Simon Coulombe
Professeur agrégé, Département des relations industrielles, Université Laval
Titulaire de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail (https://crrsmat.ca)
Chercheur-boursier – Junior 2, Fonds de recherche du Québec – Santé
L’Université Laval propose une formation de pointe autour des thèmes des risques psychosociaux et du mieux-être au travail. Si vous souhaitez démystifier les divers concepts et approches d’intervention, cet atelier vous permettra de :
- distinguer la santé mentale positive et la santé mentale négative et comprendre leurs interactions;
- s’initier aux interventions axées sur la promotion du mieux-être et de la santé mentale positive au travail;
- comprendre les risques psychosociaux du travail et s’initier aux pratiques entourant leur prévention;
- mieux saisir ces différentes notions et approches d’intervention dans le contexte de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail et des nouvelles obligations des employeurs.
Pour en savoir plus :
Enquêtes de l’Institut national de santé publique du Québec sur les risques psychosociaux du travail et les déterminants de la détresse psychologique élevée liée au travail
Gouvernement du Québec, Santé mentale au travail
Enquête sur la santé de la population, 2020-2021 de l’Institut de la statistique du Québec
LaMontagne, A.D., Keegel, T., Louie, A.M., Ostry, A. et Landsbergis, P.A. (2007). A systematic review of the job-stress intervention evaluation literature, 1990-2005. International Journal of Occupational and Environmental Health, 13(3), p. 268-280.
Smetanin, P., D. Stiff, C. Briante, C. E. Adair, S. Ahmad, et M. Khan. 2011. The Life and Economic Impact of Major Mental Illness in Canada : 2011 2041. Risk Analytica, on behalf of the Mental Health Commission of Canada.
Tissot, Nathalie Jauvin, Michel Vézina, et Direction de la santé environnementale au travail et de la toxicologie. 2022. Les déterminants de la détresse psychologique élevée liée au travail : résultats de l’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2014-2015. Institut national de santé publique du Québec.